Algérie aux lactoses

Au mois de février de cette année, nous avons organisé la première semaine du fromage autour du monde.

Le principe est simple, appuyée par les ambassades françaises de chaque pays visité, une équipe composée : d’un chef de cuisine, d’un pâtissier, et de deux fromagers, propose une semaine d’ateliers et de master class sur les sujets du fromage ; sans oublier le point fort de la semaine : le concours du meilleur fromager.

A notre retour de cette première semaine organisée en Algérie, Claude Maret, Président de la Fédération, m’a demandé d’écrire un article à ce sujet, ce à quoi David Bazergue Directeur de la même Fédération a ajouté : « tente de faire un article court et intéressant, mais n’oublie pas de remercier : L’équipe composée de Nathan Maiolino, chef de cuisine de l’excellent restaurant « Mad men », de Sébastien Crouzat, meilleur boulanger de France 2005, de Michel Fouchereau, meilleur ouvrier de France fromager 2004 et président du concours MOF fromager et de toi, Michaël Belissa, fromager à Clichy représentant pour l’occasion de la Fédération des fromagers de France.

Sinon laisse aussi un mot sur : « secrets d’affineurs », la maison « Carles », la maison « Delin », la maison « Berthaut », « la ferme du plessis » et la « bonde de gatine » qui ont eu la gentillesse de nous offrir prés de130 kg de fromages. N’oublie pas la directrice de l’institut français en Algerie, Ahlem Gharbi, qui a co-organisé l’évènement, ainsi que son équipe, en particulier Najoua Medroumi et bien entendu l’ambassadeur de France en Algérie, François Gouyette, et son ministre délégué, Adrien Pinelli. Tu as 10 lignes. »

Bon bah là, ça fait 10 lignes, je crois que j’ai tout dit.

Enfin « tout dit », je ne vous ai pas dit à quel point l’Algérie nous a étonné par sa beauté et son accueil. Je ne vous ai pas dit, qu’en pensant exclusivement trouver des connaisseurs de « Vache qui rit », nous avons découvert des fromagers passionnés, avec des fromages affinés dans le désert, au goût pour certains doux, pour d’autres intenses, des laiteries urbaines dont les propriétaires, à force de voyage en Auvergne et en Savoie, sont revenus avec des connaissances techniques de chez nous, qu’ils ont su allier avec les goûts de chez eux.

Je ne vous ai pas parlé de ce Monsieur qui avait partagé avec nous ses souvenirs d’enfance du temps où, pour le goûter, il allait traire la vache du voisin sans le consentement de son propriétaire. Il pressait à l’intérieur du sceau le lait des figues pour faire cailler le lait de vache. Il nous a dit, l’eau à la bouche, que ce fromage blanc était sa madeleine de Proust. Je ne vous ai pas évoqué la journée que nous avons passé au fin fond de la kabylie dont les routes, les paysages féeriques et le caractère des gens font penser à la corse. Je ne vous ai même pas dit qu’un producteur de tommes fermiéres nous avait préparé le repas le plus improbable pour nous dans un tel décor : Une raclette aux grillades.

Je ne vous ai pas parlé des folles soirées de Michel à Oran et je ne le ferais pas car sa femme doit lire ces quelques lignes. Je ne vous ai pas parlé du concours du meilleur fromager ou l’une des concurrentes était enceinte de neuf mois et avait préféré reculer le déclenchement prévu de son accouchement pour participer au concours. Je ne vous ai pas parlé des tonnes de dattes que Nathan et Sébastien ont dégusté, regrettant chaque fois d’en ingérer plus, avant de se resservir. Je ne vous ai pas parlé de cette matinée de visite du centre d’Alger que nous avons passé à faire la queue pendant près d’une heure devant un bouiboui pour goûter le meilleur sandwich de foie qu’il m’ait été donné de manger. Je ne vous ai pas dit à quel point j’admirais mes 3 accompagnateurs (Nathan, Sébastien et Michel) pour leur gentillesse et leur professionnalisme… ainsi que leur capacité à ingérer de grandes quantités de fromages. Je ne vous ai pas dit à quel point nous étions fiers tous les 4 de représenter les couleurs de la France à l’étranger, au travers de notre passion commune qu’est le fromage.

Je ne vous l’ai pas dit et ne vous le dirais jamais car je n’ai que 10 lignes pour vous dire tout ça.

Texte et photos Michaël Belissa, Fromagerie Belisson (Clichy)