Retour sur les formations « Connaissance des Fromages corses » 2025

La formation de découverte des fromages traditionnels corses et de leur terroir était très attendue !

L’École Française du fromage a guidé deux groupes de fromagers à travers la Corse durant trois jours dans le but de découvrir, de visualiser et de comprendre les spécificités des 5 fromages traditionnels corses, auxquels s’ajoute le Bruccio, produit complémentaire de cuisine ou de dessert qui n’est pas considéré comme un fromage au niveau local.

Grace à l’aide précieuse de l’association CASGIU CASANU (Association Régionale des Producteurs de Fromages Fermiers de Corse) nous avons sillonné les petites routes tortueuses de l’ile pour aller à la rencontre d’une dizaine de très petits producteurs fermiers, tous sous agrément sanitaire afin de pourvoir commercialiser leur fromage d’exception sur le continent. Au départ prudents, surpris et méfiants de découvrir des crémiers-fromagers du continent, les fermiers ont très vite changé leur attitude fermée pour dévoiler avec joie et passion leur métier devenu hors du commun.

En fonction du secteur géographique chacun a sa typicité de fromage traditionnel ; mais tous les fromages peuvent être au lait cru de chèvre, de brebis ou en mélange, sans distinction de nom.

Dans la région d’Ajaccio, on produit plutôt du Bastelicacciu. Fromage à pâte molle à croûte fleurie, ou naturelle allant du duveteux blanc, au poudreux, en passant par le gris tacheté de bleu.

Plus au sud on fabrique principalement de la tomme Sartenaise, la plupart du temps nature, et parfois fumée, avec des variantes moins traditionnelles aromatisées à la myrte ou aux herbes du maquis.

Le quart sud-est plus typique du Venachese, une pâte molle à croûte lavée au croûtage orangé, plutôt douce, affinée 3 à 4 semaines.

Dans la moitié nord sont produits les fromages les plus puissants. Sur une minuscule zone à l’ouest est affiné le Calinzanincu , un fromage très salé au sel sec, stocké durant 4 à 5 mois de façon très serrée dans des caisses généralement en bois leur donnant une forme reconnaissable : carrée à angles arrondis. Ils n’ont pas vraiment de croûte mais une simple surface brillante et humide aux parfums puissants à la fois fruités et alcooleux.

Enfin le Niulincu plus typique du nord-est, est assez similaire au Calinzanicu, mais avec un affinage poussé jusqu’à 8 ou 10 mois et à croûte raclée. Cela lui donne un aspect blanc aux allures de fromage frais, alors qu’il cache très bien son jeu ! C’est sans doute un des plus puissants des fromages corses … après le  « fromage fort »* bien entendu !

*Macération longue de vieux fromages déclassés formant une pâte brune crémeuse présenté en pot à tartiner, comme le fameux fromage des bronzés !

Les races de chèvres et brebis corses sont très rustiques ce qui permet de vivre toute l’année en liberté avec un minimum de soin vétérinaire. En revanche ce ne sont pas des races très rentables car peu productives avec une moyenne d’un litre par jour pour les deux espèces… d’autant plus que les agneaux et cabris restent presque toujours sous leur mère jusqu’à ce qu’ils puissent être vendus pour leur viande à Noël ou à Pâques. Autant dire que le volume de lait transformé chaque jour est très faible, à raison de 50 à 200L par jour selon la saison et la taille du troupeau. Pour cette raison, la majorité des producteurs reportent leur lait cru d’un jour à l’autre pour ne fabriquer qu’un jour sur deux.

Tous les éleveurs rencontrés ont une dévotion totale pour leur animaux, chèvres et brebis de race corse qui vivent toute l’année à l’extérieur en bénéficiant de parcours de maquis, de prairies naturelles sur les zones de plaine. Puis en juillet-août, lorsque les lactations sont terminées, certains troupeaux montent encore en estive en totale liberté en pleine nature. Il est fréquent que les plus vieux animaux ne reviennent pas et finissent leur vie en montagne. Ce modèle semble correspondre à l’idéal du bien-être animal.

Le rôle de ces troupeaux en estive est extrêmement important pour l’entretient des zones escarpées. Or les troupeaux y sont de plus en plus rares car le pastoralisme comme le métier d’éleveur en races corses disparait en raison des dures contraintes du métier, et du prix du foncier. De ce fait, les paysages de montagne sont en train de changer à une vitesse fulgurante…

Les heureux participants se sont tous sentis investis d’un nouveau rôle, celui de communiquer sur l’existence de ces producteurs travaillant avec un tel bon sens et si proche de la nature, sur la qualité et la valeur de leurs produits, et sur la nécessité de les soutenir pour ne pas voir disparaitre totalement le terroir corse et les fromages qui en sont le fruit.

Au-delà de la connaissance des produits et de leur terroir, cette formation a permis une prise de conscience de la nécessite et de l’urgence de valoriser au mieux ces fromages afin de ralentir leur déclin, à défaut de pouvoir éviter la disparition totale du modèle pastoral corse.